L’Ultra-Trail du Mont-Blanc fascine et interroge depuis deux décennies. À travers son analyse sociologique approfondie, Olivier Bessy nous plonge dans les transformations d’un événement devenu phénomène de société.
Cette course mythique autour du toit de l’Europe révèle les mutations profondes de notre rapport au sport, à la nature et à la performance.
La naissance d’un mythe moderne
Les origines épiques
Tout commence au début des années 2000, dans des conditions météorologiques dantesques qui ont forgé la légende. À cette époque, l’ultra-trail reste une discipline confidentielle en France, avec seulement trois ou quatre événements majeurs. Les coureurs, encore peu équipés et mal préparés, se lancent dans l’aventure, portés par leur passion de la montagne.
La construction d’une référence mondiale
L’UTMB s’est rapidement imposé comme une référence, d’abord nationale puis internationale. Les quatre lettres magiques sont devenues un véritable graal pour les coureurs du monde entier. Avec 1,5 million de pratiquants en France et 20 millions dans le monde en 2022, le trail-running connaît une croissance exponentielle.
Les 3 dérives majeures
La dérive marchande
L’année 2021 marque un tournant décisif avec la création d’UTMB Group et l’entrée d’IronMan dans la gouvernance. Cette évolution a accéléré la marchandisation de l’événement, caractérisée par :
- L’augmentation continue des prix d’inscription.
- La démesure du Salon de l’ultra-trail.
- L’inégale répartition des bénéfices.
- L’attribution de primes aux vainqueurs.
- La vente des droits à l’image.
La dérive environnementale
Le gigantisme de l’événement pose aujourd’hui de sérieuses questions écologiques.
L’empreinte carbone de la manifestation devient préoccupante avec :
- Des flux de participants internationaux croissants.
- Une logistique toujours plus importante.
- Un impact sur les sentiers et l’environnement montagnard.
La dérive sociale
L’événement s’est progressivement embourgeoisé. Les études sociologiques révèlent une surreprésentation des cadres supérieurs et professions libérales, tandis que les employés et ouvriers sont de moins en moins présents.
Le coût croissant de participation (inscription, séjour à Chamonix) renforce cette sélection sociale.
Un système d’injonctions contradictoires
Entre développement économique et responsabilité environnementale
L’UTMB se trouve confronté à un dilemme majeur : poursuivre son développement international tout en réduisant son impact environnemental. Les organisateurs se retrouvent prisonniers d’un système qu’ils ont contribué à créer.
La question de l’acceptabilité sociale
La ville de Chamonix s’interroge sur sa capacité à continuer d’accueillir un événement de cette ampleur. Les habitants commencent à manifester leur lassitude face aux désagréments causés par cette manifestation devenue titanesque.
Les perspectives d’avenir : Vers un nouveau modèle
L’événement se trouve aujourd’hui à un tournant critique de son histoire.
Pour assurer sa pérennité, l’UTMB doit :
- Repenser son modèle économique.
- Renforcer sa responsabilité environnementale.
- Améliorer son acceptabilité sociale.
- Préserver l’esprit d’origine de l’ultra-trail.
Les défis de demain
Comme je l’expliquais dans cet article, l’UTMB doit trouver un nouvel équilibre entre ses différentes dimensions. La transformation en événement éco-responsable constitue le principal défi des années à venir, tout en préservant ce qui fait sa singularité dans le monde du trail.
Pourquoi je boycotte l’UTMB : un choix éthique et militant
En tant que passionné de trail-running, je rejoins le mouvement de boycott de l’UTMB pour plusieurs raisons fondamentales qui font écho à l’analyse d’Olivier Bessy.
Une dérive commerciale inquiétante
La prise de contrôle partielle par le groupe Ironman en 2021 a profondément transformé l’esprit de l’événement. Les frais d’inscription dépassant désormais 400€ en 2024 illustrent parfaitement cette dérive mercantile. Cette course mythique est devenue une machine à cash qui s’éloigne des valeurs originelles du trail.
Un impact environnemental problématique
Le partenariat avec Dacia a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Ce greenwashing flagrant va à l’encontre des valeurs environnementales défendues par notre communauté de traileurs. Malgré les initiatives “UTMB for the Planet“, les actions concrètes restent insuffisantes face au gigantisme de l’événement.
Une hégémonie destructrice
L’UTMB écrase les petites organisations locales, comme l’illustre parfaitement la controverse de Whistler. En imposant son système de qualification via les “stones” et en multipliant les courses labellisées, l’organisation crée un monopole qui tue l’esprit authentique du trail-running.
Une perte d’âme
Je rejoins Kilian Jornet et Zach Miller dans leur constat : l’UTMB ne gère plus ses événements dans l’intérêt du sport et de ses pratiquants. La course est devenue le symbole d’une société hypermoderne obsédée par le profit, s’éloignant des valeurs de partage et de respect qui ont fait sa légende.
C’est pourquoi je choisis de soutenir les courses locales, à taille humaine, qui préservent l’authenticité du trail-running et ses valeurs fondamentales.
L’UTMB, un miroir de notre société en mutation
L’ouvrage d’Olivier Bessy offre une analyse lucide et documentée des transformations profondes de l’UTMB.
Au-delà du simple événement sportif, cette course est devenue le miroir de notre société hypermoderne, de ses contradictions et de ses excès. Son avenir dépendra de sa capacité à se réinventer tout en restant fidèle à l’esprit qui a fait sa légende.
Si vous souhaitez vous procurer le livre, je vous invite à prendre contact avec Olivier Bessy à l’adresse email suivante : olivier.bessy(at)univ-pau.fr
Qui est Nicolas ?
Je suis un passionné de course à pied avec plus de 15 ans d'expérience. Ayant débuté comme coureur amateur, j'ai progressivement affiné mes compétences en m'informant sur les meilleures pratiques d'entraînement, que je partage désormais avec mes lecteurs.
Mon objectif est de rendre la course accessible à tous, en proposant des conseils pratiques, des analyses techniques, et des méthodes adaptées à tous les niveaux.
Actuellement en cours de formation pour le CQP Animateur d’athlétisme option « athlé forme santé », préparateur mental et nutritionniste sportif diplômé, j'approfondis mes compétences en entraînement et pédagogie afin de partager des méthodes et des approches efficaces et adaptées aux besoins des coureurs de tous niveaux.
Quelques faits d’armes :
- 100 km de Steenwerck : 7h44
- 80 km Ecotrail Paris (1300m D+) : 7h12
- 42 km Nord Trail Mont de Flandres (1070m D+) : 3h11
- Marathon de Nice-Cannes : 2h40
- Championnats de France de Semi-Marathon : 1h13
- 10 km de Lambersart : 34'16
