
La domination des coureurs est-africains sur les podiums mondiaux du demi-fond et du marathon masque une réalité sombre : un système organisé d’exploitation économique et de trafic d’athlètes.
Derrière les performances légendaires se cachent des mécanismes de prédation qui transforment le rêve olympique en piège pour des milliers de jeunes Africains.
Le mirage économique des courses européennes
Chaque année, plus de 1 000 coureurs kényans et éthiopiens parcourent l’Europe pour participer à des centaines de courses sur route.
Leur motivation principale ? Les primes de victoire, qui varient de 100 € pour un 10 km à 4 000 € pour un marathon régional.
Ces montants, dérisoires au regard des performances, alimentent un marché où les managers prélèvent systématiquement 10 % des gains, tout en facturant aux athlètes les frais de logement et de transport.
L’économiste Yannick Perroteau révèle que 70 % des coureurs africains en Europe vivent sous le seuil de pauvreté local, survivant grâce à des emplois précaires dans l’hôtellerie ou l’entretien.
Le cas emblématique de Zenash Gezmu, marathonienne éthiopienne employée comme femme de chambre dans un hôtel bord d’autoroute tout en s’entraînant deux fois par jour, illustre cette double exploitation.
Son assassinat en 2017 par un pseudo-agent souligne les risques sécuritaires encourus.
La captation des revenus par les intermédiaires
Le système des “fermes d’athlètes”, où des groupes de 10 à 15 coureurs sont hébergés dans des conditions spartiates, permet aux managers de contrôler intégralement leurs déplacements et revenus. Un agent français décrit sans ambages : “Faire venir un Kényan me coûte 2 000 €. Je dois rentrer dans mes frais”.
Cette logique commerciale transforme les sportifs en produits interchangeables, poussant certains organisateurs à exclure les Africains pour “protéger la notoriété de nos épreuves” selon Claude Lacherest, président de la commission francilienne des courses hors-stade.
Le trafic organisé d’athlètes : Des filières légales au service de l’exploitation
Contrairement aux idées reçues, 90 % des coureurs africains en Europe transitent par des filières légales. Les managers utilisent les visas de courte durée pour créer une dépendance économique : logement groupé, gestion des inscriptions, confiscation des passeports.
Le témoignage de John N’Geny, jeune Kényan, est édifiant : “Sans manager, on ne connaît ni les lieux ni la langue. C’est lui qui décide de tout”.
Ce système rappelle les pratiques dénoncées dans le football africain, où des “académies” fantômes exploitent des milliers de jeunes.
La CAF (Confédération Africaine de Football) a d’ailleurs lancé en 2024 la campagne “Protéger le rêve” pour lutter contre ces réseaux, reconnaissant l’échec des régulations existantes.
La marchandisation des corps
Les études anthropométriques révèlent une prédation ciblée sur les morphotypes “idéaux” : poids moyen de 52 kg pour 1,67 m chez les hommes, 38 kg pour 1,50 m chez les femmes.
Cette quête de l’efficacité biomécanique maximale pousse les recruteurs à prospecter dans les régions d’altitude de la vallée du Rift, où les enfants développent dès le plus jeune âge des capacités cardio-vasculaires exceptionnelles grâce à des trajets scolaires quotidiens de 5 à 20 km.
Les discriminations systémiques
Le cas emblématique de Trieste
En 2019, le semi-marathon de Trieste (Italie) a provoqué un scandale en excluant explicitement les coureurs africains, officiellement pour dénoncer leur exploitation.
Cette décision, qualifiée d’“épuration sportive” par la députée européenne Isabella De Monte, révèle une tension paradoxale : certains organisateurs rejettent ceux-là mêmes qui font le succès de leurs épreuves.
L’illusion des transferts nationaux
Le trafic de jeunes talents vers des pays désireux d’acheter des médailles a pris une ampleur inquiétante. Le Bahreïn a ainsi naturalisé plus de 150 athlètes est-africains entre 2008 et 2018, selon un rapport de Mission 89.
La sprinteuse Ruth Jebet, championne olympique 2016 du 3000 m steeple sous pavillon bahreïni, a finalement été disqualifiée pour dopage – révélant l’impasse de ces stratégies.
Les responsabilités partagées
Le rôle ambigu des fédérations
Alors que la Fédération kényane dénonce officiellement ces pratiques, elle perçoit 15 % des revenus publicitaires de ses athlètes via des contrats d’exclusivité.
Le cas de Faith Kipyegon, double championne olympique, montre pourtant qu’une gestion éthique est possible : son entraîneur Patrick Sang a mis en place un modèle intégrant éducation financière et reconversion professionnelle.
L’urgence d’une régulation transnationale
L’analyse comparative avec le modèle britannique post-1996 est instructive.
Le Royaume-Uni a réduit l’exploitation des athlètes en :
- Créant un fonds de garantie pour les primes.
- Imposant un plafond de 5 % sur les commissions des agents.
- Développant des programmes de bilinguisme pour l’autonomie administrative.
Vers un nouveau paradigme
L’enquête révèle que 42 % des coureurs africains actifs en Europe sont endettés auprès de leur manager, selon les données de la Fédération internationale d’athlétisme.
La solution passe par :
- Un visa “sportif solidaire” avec accès au marché du travail.
- La création de centres d’accueil indépendants gérés par les fédérations.
- Un pourcentage obligatoire des droits TV reversé aux pays formateurs.
Le drame de Zenash Gezmu ne doit pas rester un symbole isolé. Alors que Los Angeles s’apprête à accueillir les JO 2028, la question de l’éthique dans le recrutement des athlètes africains s’impose comme un enjeu majeur de justice sportive globale.
FAQ
Combien de coureurs africains participent aux courses en Europe chaque année ?
Plus de 1000 coureurs kényans et éthiopiens parcourent l’Europe annuellement pour participer à des centaines de courses sur route.
Quelles sont les primes typiques pour les courses ?
Les primes varient de 100€ pour un 10 km jusqu’à 4000€ pour un marathon régional. Les managers prélèvent systématiquement 10% de ces gains.
Quelle est la situation économique des coureurs africains en Europe ?
70% des coureurs africains vivent sous le seuil de pauvreté local, devant souvent combiner leur carrière sportive avec des emplois précaires dans l’hôtellerie ou l’entretien.
Qu’est-ce qu’une “ferme d’athlètes” ?
C’est un système où 10 à 15 coureurs sont hébergés dans des conditions spartiates, permettant aux managers de contrôler leurs déplacements et revenus.
Les filières de recrutement sont-elles illégales ?
Non, contrairement aux idées reçues, 90% des coureurs africains en Europe transitent par des filières légales, utilisant des visas de courte durée.
Quel est le profil physique recherché chez ces athlètes ?
Les recruteurs ciblent des morphotypes spécifiques : environ 52 kg pour 1,67 m chez les hommes et 38 kg pour 1,50 m chez les femmes.
Y a-t-il des cas de discrimination ?
Oui, l’exemple le plus flagrant est celui du semi-marathon de Trieste en 2019 qui a explicitement exclu les coureurs africains.
Que font les pays du Golfe ?
Certains pays comme le Bahreïn naturalisent massivement des athlètes est-africains. Entre 2008 et 2018, plus de 150 athlètes ont été naturalisés par le Bahreïn.
Quel est le rôle des fédérations nationales ?
Leur rôle est ambigu. Par exemple, la Fédération kényane dénonce ces pratiques tout en prélevant 15% des revenus publicitaires de ses athlètes.
Existe-t-il des solutions ?
Oui, le modèle britannique post-1996 propose des solutions efficaces comme :
- Un fonds de garantie pour les primes.
- Un plafond de 5% sur les commissions des agents.
- Des programmes de bilinguisme.
Quel pourcentage de coureurs africains est endetté ?
42% des coureurs africains actifs en Europe sont endettés auprès de leur manager.
Quelles sont les solutions proposées pour l’avenir ?
Trois solutions principales sont avancées :
- Un visa “sportif solidaire” avec accès au travail.
- Des centres d’accueil indépendants gérés par les fédérations.
- Un pourcentage obligatoire des droits TV pour les pays formateurs.
Qui est Nicolas ?
Je suis un passionné de course à pied avec plus de 15 ans d'expérience. Ayant débuté comme coureur amateur, j'ai progressivement affiné mes compétences en m'informant sur les meilleures pratiques d'entraînement, que je partage désormais avec mes lecteurs.
Mon objectif est de rendre la course accessible à tous, en proposant des conseils pratiques, des analyses techniques, et des méthodes adaptées à tous les niveaux.
Actuellement en cours de formation pour le CQP Animateur d’athlétisme option « athlé forme santé », préparateur mental et nutritionniste sportif diplômé, j'approfondis mes compétences en entraînement et pédagogie afin de partager des méthodes et des approches efficaces et adaptées aux besoins des coureurs de tous niveaux.
Quelques faits d’armes :
- 100 km de Steenwerck : 7h44
- 80 km Ecotrail Paris (1300m D+) : 7h12
- 42 km Nord Trail Mont de Flandres (1070m D+) : 3h11
- Marathon de Nice-Cannes : 2h40
- Championnats de France de Semi-Marathon : 1h13
- 10 km de Lambersart : 34'16