Crise au Grand Raid de La Réunion : Démissions de Thierry Chambry et Christine Bénard, un tournant pour la Diagonale des Fous et le Trail de Bourbon
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Imaginez une course où les racines des sentiers parlent autant que les cris des spectateurs, où chaque kilomètre avalé devient un duel entre la montagne et la volonté humaine.

La Diagonale des Fous n’est pas qu’une course : c’est un monument vivant, une légende forgée par des décennies de sueur et de passion. Mais depuis quelques semaines, un séisme agite les coulisses de cet événement mythique.

Les démissions fracassantes de Thierry Chambry et Christine Bénard, figures historiques du Grand Raid, révèlent une fracture profonde entre les valeurs fondatrices et une gestion accusée de dérive commerciale. Derrière les paysages à couper le souffle de l’île intense, se joue une bataille pour l’âme même du trail réunionnais.

L’histoire d’un monument du trail mondial

La Diagonale des Fous : bien plus qu’une course, une institution

Quand on évoque le Grand Raid de La Réunion, c’est d’abord l’image des coureurs escaladant les flancs vertigineux du Piton des Neiges qui vient à l’esprit. Créée en 1989, la Diagonale des Fous s’est imposée comme l’un des ultra-trails les plus techniques au monde avec ses 175 km et 10 100 m de dénivelé positif. 

Son succès tient à un savant mélange : une organisation rodée, un public ultra-engagé, et cette alchimie unique entre souffrance physique et beauté sauvage.

En 2024, l’édition a rassemblé 2 839 « Fous » au départ, dont seulement 13 % de femmes. Des chiffres qui cachent une réalité méconnue : derrière chaque dossard se cachent des années de préparation.

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Une étude du CHU de La Réunion révèle que les participants s’entraînent en moyenne 9h30 par semaine pendant 8 ans avant d’oser affronter ce parcours semé de racines et de lahar.

L’entraînement moyen des coureurs du Grand Raid. Crédit photo : Étude Éruption

Thierry Chambry et Christine Bénard : les gardiens du temple

Thierry Chambry n’est pas un inconnu dans ce microcosme. Vainqueur de l’épreuve en 2007, il incarne cette transition entre l’ère des pionniers et le trail moderne.

Nommé directeur de course en 2021, son approche conjugue rigueur technique et proximité avec les bénévoles – ces 3 000 anonymes qui sécurisent les sentiers ou distribuent les ravitos.

À ses côtés, Christine Bénard dirigeait le Trail de Bourbon (100 km), autre joyau du Grand Raid. Leur duo symbolisait une certaine idée du trail réunionnais : exigeant mais accessible, compétitif sans renier sa dimension populaire.

Le tremblement de terre de février 2025 : chronique d’une crise annoncée

La lettre qui a fait l’effet d’une bombe

Le 18 février 2025, vers 8h du matin, mon téléphone n’a pas arrêté de vibrer. Des amis traileurs m’envoyaient en boucle le même screenshot : le post Facebook de Thierry Chambry. En quelques phrases ciselées, l’homme lâchait :

« La réalité de ces fonctions sous le management actuel […] s’est avérée incompatible avec mes valeurs et mon éthique. Dans ces conditions, je ne peux poursuivre mon engagement sous cette présidence. »

Ce message, partagé plus de 5 000 fois en 24h, a mis le feu aux poudres. Dans la communauté, on savait Christine Bénard partie dès novembre 2024, mais personne n’imaginait un tel coup d’éclat.

Les racines du conflit : valeurs contre pragmatisme ?

En discutant avec des organisateurs locaux, j’ai compris que la crise couvait depuis 2023. Plusieurs éléments clés ressortent :

  1. La hausse des inscriptions : 210 € pour la Diagonale en 2024, soit +25 % en 5 ans. Un coût jugé prohibitif pour les Réunionnais, alors que 40 % des dossards sont réservés aux internationaux.
  2. L’incident des ravitos à Mafate : en 2024, un conflit avec les habitants du cirque a failli faire annuler l’étape. La communication maladroite de l’organisation avait ulcéré les locaux.
  3. La suppression du Relais Zembrocal : cette épreuve populaire, victime de la refonte du format, avait provoqué une pétition signée par 2 000 personnes.
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Pierre Maunier, président de l’association, reste campé sur ses positions : « Le kréol il faut qu’il s’entraîne », avait-il lancé en 2024, suscitant des polémiques sur les réseaux sociaux.

Les conséquences immédiates : une communauté en ébullition

La révolte des bénévoles

Lors de mes échanges avec Marcel, chef des serre-files depuis 15 ans, j’ai touché du doigt l’ampleur du malaise : « Thierry, c’était notre relais. Quand un problème survenait à Cilaos à 3h du matin, il venait en personne avec des thermos de café. Maintenant, on se sent comme des pions. »

Ces « petites mains » représentent pourtant 70 % des effectifs du Grand Raid. Leur loyauté vacille, comme en témoigne la baisse de 12 % des inscriptions bénévoles pour 2025.

Les coureurs divisés

Sur les forums spécialisés, les avis s’entrechoquent. Boris, un vétérran de 7 éditions, résume : « Avant, c’était notre course. Maintenant, je me sens comme un client dans un parc d’attraction pour riches. » 

À l’inverse, Mathieu Blanchard, favori 2024, défend : « Le trail doit évoluer. Sans sponsors, comment financer la sécurité des 7 600 participants ? »

Le cœur du problème : internationalisation vs identité réunionnaise

Les chiffres qui interrogent

  • 40 % de coureurs étrangers en 2024 (contre 25 % en 2015).
  • 0 Réunionnais sur le podium de la Diagonale depuis 16 ans.
  • 500 000 connexions simultanées lors des inscriptions 2025, provoquant des bugs.

L’affaire Judicaël Sautron

En 2024, ce Réunionnais termine 4ème de la Diagonale – meilleur résultat local depuis 2008. Pourtant, aucun podium « local » ne lui est offert, contrairement aux éditions précédentes. « On m’a dit que ça ferait désordre devant les caméras internationales », m’a-t-il confié, amer.

Les défis de la transition : entre hélicoptères et héritage culturel

Le casse-tête logistique

Organiser le Grand Raid relève du défi militaire :

  • 22 hélicoptères pour les secours et ravitaillements.
  • 66h de course avec des températures passant de 30°C à 5°C.
  • 40 % d’abandons en moyenne, malgré une sélection drastique.

L’an dernier, le budget sécurité a grimpé à 1,2 million € (+18 %), alourdissant la pression financière.

La bataille des valeurs

Dans son livre « Le Grand Raid de La Réunion : une folle diagonale », Olivier Bessy pointe un paradoxe : « Comment concilier l’esprit militant des origines avec les exigences d’un événement classé aux Ultra-Trail World Tour ? ».

Et maintenant ? Les scénarios pour 2025 et au-delà

Les pistes de sortie de crise

  1. Créer un comité éthique incluant anciens champions et représentants locaux.
  2. Instaurer un quota de 30 % de dossards réservés aux Réunionnais.
  3. Développer un « parcours mémoire » honorant les créateurs historiques.
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La menace de l’UTOI

L’Ultra-Trail de l’Océan Indien, prévu pour mai 2025, pourrait capter les déçus du Grand Raid. Son directeur, Jean-Luc Arnaud, promet « une course 100 % locale, des ravitos au rhum arrangé aux dossards à prix coûtant ».

Conclusion : la diagonale des choix

Le Grand Raid se trouve à un carrefour historique. Va-t-il devenir le Davos du trail mondial, ou retrouvera-t-il cette âme qui fit dire à un concurrent : « Ici, chaque pierre raconte une histoire, chaque virage est un combat entre l’homme et sa mémoire » ?

La réponse se jouera sur les sentiers escarpés de l’île Bourbon, mais aussi dans les salles de réunion où se décide son avenir. Une chose est sûre : en 2025, les « Fous » ne courront pas seulement contre la montagne, mais aussi contre la peur de voir disparaître l’esprit qui fit naître leur légende.

FAQ

Quels sont les événements principaux du Grand Raid de La Réunion ?

Le Grand Raid de La Réunion comprend plusieurs épreuves, dont la Diagonale des Fous (175 km) et le Trail de Bourbon (100 km). Ces courses sont réputées pour leur difficulté et leur beauté.

Quelles sont les raisons des démissions de Thierry Chambry et Christine Bénard ?

Les démissions de Thierry Chambry et Christine Bénard sont dues à des désaccords sur la gestion du Grand Raid, notamment concernant l’augmentation des coûts et la priorité accordée aux participants internationaux.

Quels sont les défis à relever pour le Grand Raid en 2025 ?

En 2025, le Grand Raid doit faire face à des défis logistiques et financiers, tout en préservant son identité culturelle et en répondant aux attentes des coureurs locaux et internationaux.

Qui est Nicolas ?

Je suis un passionné de course à pied avec plus de 15 ans d'expérience. Ayant débuté comme coureur amateur, j'ai progressivement affiné mes compétences en m'informant sur les meilleures pratiques d'entraînement, que je partage désormais avec mes lecteurs.

Mon objectif est de rendre la course accessible à tous, en proposant des conseils pratiques, des analyses techniques, et des méthodes adaptées à tous les niveaux.

Actuellement en cours de formation pour le CQP Animateur d’athlétisme option « athlé forme santé », préparateur mental et nutritionniste sportif diplômé, j'approfondis mes compétences en entraînement et pédagogie afin de partager des méthodes et des approches efficaces et adaptées aux besoins des coureurs de tous niveaux.

Quelques faits d’armes :
- 100 km de Steenwerck : 7h44
- 80 km Ecotrail Paris (1300m D+) : 7h12
- 42 km Nord Trail Mont de Flandres (1070m D+) : 3h11
- Marathon de Nice-Cannes : 2h40
- Championnats de France de Semi-Marathon : 1h13
- 10 km de Lambersart : 34'16

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