Fredrik Nyström ne se considère pas comme une personne controversée. Professeur de médecine interne et d’endocrinologie à l’université de Linköping, en Suède, il affirme qu’il essaie simplement d’améliorer la vie des gens en coupant court au bruit des conseils de santé modernes : “Je ne suis pas une personne controversée, du moins je n’essaie pas de l’être”, a-t-il récemment déclaré au Telegraph (Royaume-Uni).
Du moins, je n’essaie pas de l’être”, a récemment déclaré M. Nystrom au Telegraph (Royaume-Uni). Avec son nouveau livre, Lighten the Load on Your Shoulders, M. Nyström bouscule les idées reçues sur les régimes, l’exercice physique et même l’alcool.
Son point de vue ? Une grande partie de ce que l’on nous dit sur la santé pourrait en fait nous rendre malheureux – et le malheur entraîne une spirale fatale pour la santé physique. La philosophie de Nyström se résume à deux idées principales : être heureux permet de vivre plus longtemps, et de nombreuses règles en matière de santé ne font que nous stresser.
Si certains de ses arguments sont logiques, d’autres suscitent le débat. Voici un examen plus approfondi de ce qu’il dit et de la validité de ses propos.
Affirmation 1 : Les régimes ne fonctionnent pas, sauf le régime méditerranéen
Nyström affirme que la plupart des régimes sont voués à l’échec parce qu’ils sont trop restrictifs et psychologiquement épuisants. Il s’appuie sur des études montrant que la plupart des personnes qui perdent du poids finissent par le reprendre et que le fait de se battre constamment contre la balance peut même vous faire perdre des années de vie.
Il suggère également que la culpabilité et l’anxiété associées aux régimes pourraient faire plus de mal que les kilos superflus eux-mêmes. Il fait toutefois une exception pour le régime méditerranéen. Contrairement aux régimes à la mode restrictifs, celui-ci est davantage axé sur un mode d’alimentation que sur un ensemble de règles rigides.

Il met l’accent sur les aliments complets – légumes, fruits, poisson, huile d’olive, noix et vin en quantité modérée – ce qui, selon lui, le rend à la fois durable et scientifiquement fondé pour réduire les maladies cardiaques et améliorer la santé en général.
Lisez son étude “Fast-food-based hyper-alimentation can induce rapid and profound elevation of serum alanine aminotransferase in healthy subjects” (L’hyperalimentation basée sur la restauration rapide peut induire une élévation rapide et profonde de l’alanine aminotransférase sérique chez les sujets sains) ici.
Le contrepoint :
Il y a une part de vérité dans le point de vue de Nyström : les régimes à la mode échouent presque toujours à long terme. Mais cela ne signifie pas qu’il est impossible de gérer son poids de manière saine. Le succès à long terme dépend de petits changements durables plutôt que de mesures extrêmes.
Supprimer des groupes d’aliments entiers ou compter les calories de manière obsessionnelle est une recette qui mène à l’épuisement. Il est plus efficace d’adopter une approche équilibrée qui met l’accent sur des aliments entiers et riches en nutriments tout en laissant de la place au plaisir.
Bien que le régime méditerranéen soit un excellent modèle, il n’existe pas de régime parfait qui convienne à tout le monde. Le plus important est de trouver un régime qui corresponde à votre mode de vie et à vos besoins nutritionnels.
Affirmation 2 : Faire moins d’exercice – les marathons peuvent être dangereux
Nyström affirme que les exercices d’endurance intenses, comme les marathons, peuvent faire plus de mal que de bien. Il s’appuie sur des études montrant que les coureurs de fond sont plus susceptibles de développer des cicatrices cardiaques et une fibrillation auriculaire (rythme cardiaque irrégulier), ce qui peut augmenter le risque de caillots sanguins et même d’insuffisance cardiaque.

Cette affirmation est soutenue par plusieurs études importantes :
Cicatrices cardiaques
Une étude sur 102 coureurs de marathon masculins apparemment en bonne santé, âgés de 50 à 72 ans et ayant complété au moins 5 marathons en 3 ans, a révélé que 12% d’entre eux présentaient des cicatrices myocardiques, soit trois fois plus que le groupe contrôle.
Fibrillation auriculaire (FA)
Les athlètes d’endurance présentent un risque cinq fois plus élevé de développer une fibrillation auriculaire par rapport aux non-athlètes, selon une autre étude. Cette FA augmente effectivement le risque d’événements thromboemboliques, d’insuffisance cardiaque et de mortalité.
Mécanisme
Le développement de la fibrose auriculaire gauche pourrait expliquer le risque accru d’arythmies chez les athlètes d’endurance.
Selon une étude, cette fibrose se produit en raison de :
- Une dilatation des quatre chambres cardiaques due à l’exercice d’endurance prolongé.
- Une pression accrue dans l’oreillette gauche pendant l’exercice intense.
- Des adaptations structurelles du cœur sur le long terme.
La relation entre l’exercice et la FA suit une courbe en U : l’exercice modéré est protecteur, mais l’activité intense à long terme peut être nocive.

Son conseil ? Laissez tomber les entraînements extrêmes et concentrez-vous sur des activités plus modérées comme la marche, qui, selon lui, offre la plupart des avantages pour la santé sans les risques.
Le contrepoint :
Cela va être difficile à lire pour les coureurs : il n’a pas tout à fait tort – se surmener sans un entraînement ou une récupération appropriés peut entraîner des blessures et même des risques pour la santé à long terme.
Mais cet argument ne tient pas compte de la situation dans son ensemble. L’exercice physique est une question de qualité de vie autant que de longévité. La course à pied et les autres sports d’endurance sont bénéfiques pour la santé mentale, la communauté et procurent un sentiment d’accomplissement personnel que l’on ne retrouve pas dans une simple promenade.

Bien sûr, les marathons ne conviennent pas à tout le monde, mais pour de nombreuses personnes, s’entraîner en vue d’un marathon procure un sentiment puissant de détermination et de résilience. La clé, c’est l’équilibre – combiner des activités d’endurance avec des exercices de musculation, une bonne récupération et être à l’écoute de son corps.
Par ailleurs, l’affirmation de Nyström selon laquelle la course à pied est dangereuse pour la santé du cœur est largement exagérée. La plupart du temps, lorsqu’un coureur meurt tragiquement pendant ou immédiatement après une course, c’est le plus souvent en raison de problèmes cardiaques génétiques préexistants (et souvent non diagnostiqués).
Son argument selon lequel la course à pied est dangereuse est tout simplement faux. Et la philosophie centrale de Nyström n’est-elle pas que nous devrions relâcher la pression sur nous-mêmes et penser davantage à ce qui nous rend heureux ?
Pour des millions de personnes, la course à pied est ce moyen de relâcher la pression, et le marathon donne un sens et une structure à notre vie.
Affirmation 3 : L’alcool avec modération, c’est bien
Nyström adopte une position plus détendue à l’égard de l’alcool, affirmant qu’une consommation modérée – comme un verre de vin au dîner – ne présente pas de risques significatifs pour la santé et pourrait même contribuer à une meilleure qualité de vie.
Il s’appuie sur des recherches suggérant que les personnes qui consomment de l’alcool avec modération ont souvent des niveaux de stress plus faibles et des relations sociales plus fortes, deux facteurs qui peuvent contribuer à une vie plus longue et plus heureuse.

Le contrepoint :
C’est l’un des arguments qui dépendent des circonstances personnelles. Oui, pour certaines personnes, une consommation modérée d’alcool est probablement inoffensive.
Mais des études antérieures qui suggéraient que l’alcool avait des effets bénéfiques sur le système cardiovasculaire se sont récemment révélées fausses et pilotées par l’industrie de l’alcool.
En 2018, l’étude MACH (Moderate Alcohol and Cardiovascular Health) a été interrompue lorsque les NIH ont découvert que deux tiers du financement provenait de l’industrie de l’alcool.
Les chercheurs avaient même approché les producteurs d’alcool en leur promettant de démontrer les effets bénéfiques de l’alcool.
L’International Scientific Forum on Alcohol Research (ISFAR) reçoit des financements de l’industrie du vin australienne, des Brasseurs d’Europe et de l’Académie néerlandaise des œnologues1.Les études récentes remettent en cause les bénéfices cardiovasculaires supposés :
- Une analyse de 107 études par des chercheurs canadiens en 2023, après ajustement pour les biais, n’a montré aucun effet protecteur de l’alcool.
- Les études en épidémiologie génétique font disparaître les effets bénéfiques apparents d’une consommation modérée d’alcool sur les risques d’AVC et de cardiopathie ischémique.
- La consommation d’alcool est linéairement liée à l’augmentation de la pression artérielle et au développement de l’hypertension.
L’essentiel reste que l’alcool est également lié à un risque plus élevé de certains cancers, de maladies du foie et d’accoutumance. Le problème avec l’affirmation “la modération, c’est bien”, c’est que la modération n’a pas la même signification pour tout le monde.
Un verre occasionnel ici et là ne fera probablement pas de mal, mais pour les personnes ayant des antécédents familiaux de dépendance à l’alcool ou d’autres facteurs de risque, s’abstenir pourrait être le choix le plus sain. L’essentiel à retenir ? Si vous appréciez une boisson, gardez le contrôle, mais ne vous faites pas d’illusions en pensant qu’il s’agit d’un élixir de santé.
Affirmation 4 : Le bonheur est le meilleur remède pour la santé
Nyström affirme que le bien-être mental est un meilleur prédicteur de la longévité que les indicateurs de santé traditionnels tels que le taux de cholestérol ou l’indice de masse corporelle (IMC).
Il cite des études montrant que les personnes qui se disent heureuses et épanouies ont tendance à vivre plus longtemps, même si elles n’ont pas les statistiques de santé “parfaites” sur le papier.
Études principales
Une analyse de plus de 160 études sur des sujets humains et animaux a démontré que les personnes heureuses vivent plus longtemps et sont en meilleure santé que leurs pairs malheureux. Cette corrélation serait même plus forte que le lien entre l’obésité et la réduction de l’espérance de vie.
Données chiffrées
Une étude nationale représentative montre que comparé aux personnes très heureuses :
- Le risque de mortalité est 6% plus élevé chez les personnes modérément heureuses.
- Le risque de mortalité est 14% plus élevé chez les personnes malheureuses.

Impact sur l’espérance de vie
Une femme de 50 ans déclarant un niveau élevé de bien-être peut espérer vivre 6 ans de plus qu’une femme du même âge avec un faible bien-être. Plus précisément :
- 31,4 années sans handicap pour celles avec un bien-être élevé.
- 20,8 années sans handicap pour celles avec un faible bien-être.
Facteurs explicatifs
Une grande partie de cette association entre bonheur et longévité s’explique par des facteurs sociodémographiques, le mode de vie, la santé et le fonctionnement psychologique. Cependant, même après avoir contrôlé ces variables, l’effet positif du bonheur sur la longévité reste significatif.
Ce qu’il en retient ? Le stress lié à la santé peut être pire que certains risques sanitaires eux-mêmes.
Lisez son étude “Sense of vitality is associated with cardiovascular events in type 2 diabetes independently of traditional risk factors and arterial stiffness” (Le sentiment de vitalité est associé aux événements cardiovasculaires dans le diabète de type 2 indépendamment des facteurs de risque traditionnels et de la rigidité artérielle) ici.
Le contrepoint :
Il y a là une grande part de vérité. Le stress chronique et l’anxiété sont liés à tout, des maladies cardiaques à l’affaiblissement des fonctions immunitaires. Il est clair que les personnes qui profitent de leur vie – que ce soit par le biais de relations solides, d’un travail épanouissant ou de passe-temps intéressants (comme la course à pied) – ont tendance à être en meilleure santé dans l’ensemble.

Mais le bonheur ne remplace pas la santé physique. Ignorer l’exercice et l’alimentation sous prétexte d’être heureux n’est pas une solution à long terme. L’affaiblissement de la santé physique entraîne un affaiblissement du système immunitaire, un risque plus élevé de maladies chroniques et une mobilité réduite avec l’âge.
Tous ces facteurs entraîneront certainement une détérioration de la santé mentale. L’approche idéale ? Faire preuve de bon sens : donner la priorité au bonheur et à la réduction du stress, mais ne pas négliger les éléments de base comme rester actif, bien manger et dormir suffisamment.
Une vue d’ensemble : Longévité et qualité de vie
Les travaux de Nyström soulèvent une question importante : devons-nous nous efforcer de vivre le plus longtemps possible ou de vivre bien ? L’accent qu’il met sur la réduction de l’anxiété liée à la santé est précieux – après tout, être obsédé par chaque calorie et chaque séance d’entraînement peut ôter toute joie de vivre.
Mais, à certains égards, il va trop loin, comme dans le cas de la course à pied. Certes, les marathons comportent des risques (relativement mineurs), mais ils offrent également quelque chose d’inestimable : un sentiment d’accomplissement, une communauté et un développement personnel.

Si quelqu’un trouve de la joie et du sens à courir 42,195 km, les risques potentiels peuvent en valoir la peine. Il en va de même pour la nourriture et la boisson : il existe un équilibre entre le plaisir et la santé à long terme.
L’équilibre est la clé
Le message de Nyström a ses mérites : arrêtez de vous stresser pour la perfection et concentrez-vous sur ce qui vous rend heureux. Mais c’est l’équilibre qui change la donne.
Mangez des aliments nutritifs, mais appréciez aussi les plaisirs de la table. Faites de l’exercice régulièrement, tout en restant à l’écoute de votre corps. Et surtout, trouvez ce qui vous apporte de la joie, qu’il s’agisse de courir des marathons, de faire des randonnées dans la nature ou de partager de bons repas avec des amis.
Il n’existe pas de formule magique pour vivre longtemps, mais en associant le bonheur à des habitudes saines, nous pouvons vivre mieux et peut-être même plus longtemps – et n’est-ce pas là le but ?
Qui est Nicolas ?
Je suis un passionné de course à pied avec plus de 15 ans d'expérience. Ayant débuté comme coureur amateur, j'ai progressivement affiné mes compétences en m'informant sur les meilleures pratiques d'entraînement, que je partage désormais avec mes lecteurs.
Mon objectif est de rendre la course accessible à tous, en proposant des conseils pratiques, des analyses techniques, et des méthodes adaptées à tous les niveaux.
Actuellement en cours de formation pour le CQP Animateur d’athlétisme option « athlé forme santé », préparateur mental et nutritionniste sportif diplômé, j'approfondis mes compétences en entraînement et pédagogie afin de partager des méthodes et des approches efficaces et adaptées aux besoins des coureurs de tous niveaux.
Quelques faits d’armes :
- 100 km de Steenwerck : 7h44
- 80 km Ecotrail Paris (1300m D+) : 7h12
- 42 km Nord Trail Mont de Flandres (1070m D+) : 3h11
- Marathon de Nice-Cannes : 2h40
- Championnats de France de Semi-Marathon : 1h13
- 10 km de Lambersart : 34'16