Qui est Julia Paternain ? La première médaillée mondiale de l'Uruguay
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Julia Paternain a franchi la ligne d’arrivée des Championnats du monde d’athlétisme de Tokyo sans même être certaine que la course était terminée.

Épuisée par la chaleur écrasante du marathon féminin, la jeune athlète de 25 ans a levé la tête vers un officiel pour lui demander si elle pouvait enfin arrêter de courir.

C’est seulement à ce moment qu’elle a découvert qu’elle venait de décrocher une médaille de bronze historique, la première jamais remportée par l’Uruguay lors de championnats mondiaux d’athlétisme.

Une performance extraordinaire contre toute attente

Pour une coureuse classée 288ème mondiale avant la course et ne disputant que son deuxième marathon, cet exploit revêt un caractère absolument extraordinaire. D’autant plus remarquable que les deux athlètes qui l’ont devancée ne sont autres que Peres Jepchirchir, championne olympique kényane de 2021, et Tigist Assefa, détentrice éthiopienne du record du monde.

Le chrono de 2h27’23 réalisé par Paternain n’était qu’à quelques secondes du record national qu’elle avait établi lors de ses débuts sur la distance en mars dernier. Cette performance valide définitivement son potentiel sur 42,195 kilomètres et place l’Uruguay sur la carte mondiale du marathon féminin de haut niveau.

Un parcours atypique aux origines multiples

L’histoire de Julia Paternain se distingue non seulement par cette médaille inattendue, mais aussi par le parcours singulier qui l’a menée jusqu’à Tokyo. Née au Mexique de parents uruguayens, élevée à Cambridge en Angleterre et formée aux États-Unis, elle incarne parfaitement la mondialisation du sport moderne.

Cette citoyenneté multiple se reflète dans sa carrière : “J’ai trois passeports et une carte verte américaine. J’ai couru pour la Grande-Bretagne lors des Championnats d’Europe espoirs, et maintenant je représente l’Uruguay. Toute ma famille vient de là-bas, mi sangre es uruguaya” confie-t-elle.

Des débuts prometteurs en Angleterre

À Cambridge, Julia s’illustre rapidement au sein du Cambridge & Coleridge Athletics Club. Elle remporte deux titres scolaires anglais sous la houlette de son entraîneur de longue date Mark Vile, révélant déjà un potentiel qui la mènera vers les universités américaines les plus prestigieuses du pays.

Le système NCAA et ses désillusions

Son passage par le système NCAA la conduit successivement à Penn State puis à l’université d’Arkansas. Malgré ces prestigieuses affiliations, le succès tant espéré ne se concrétise jamais pleinement. “Je n’ai jamais été All-American. Ma carrière était plutôt chaotique”, reconnaît-elle avec une franchise rafraîchissante.

La pandémie de COVID-19, les multiples transferts et les changements d’entraîneurs brisent son rythme de progression. Désillusionnée, elle finit par s’éloigner de l’entraînement structuré, s’installant en Californie où elle court occasionnellement tout en travaillant à distance.

La renaissance inattendue à Flagstaff

Le retour de Julia à la compétition de haut niveau relève presque du hasard. Lors d’une visite chez un ami à Flagstaff, Arizona, elle redécouvre sa passion pour la course à pied grâce aux sentiers d’altitude et à la communauté d’entraînement locale dynamique.

Cette renaissance s’opère sous la guidance du coach Jack Polerecky et de sa femme Dani, au sein du groupe d’entraînement de James McKirdy. “J’ai recommencé à prendre plaisir à courir”, explique-t-elle. “J’ai participé à une course de 10 miles, puis un semi-marathon, et je me suis dit : OK, peut-être que je veux essayer un marathon.”

Un premier marathon stupéfiant

Ses débuts sur 42,195 kilomètres la stupéfient autant que son entourage. Son chrono de 2h27’09 établit un nouveau record national uruguayen et, surtout, lui ouvre les portes des Championnats du monde. Un temps qui place immédiatement l’Uruguay parmi les nations capables de produire des marathoniennes de niveau mondial.

Tokyo : l’exploit dans la fournaise japonaise

À Tokyo, les objectifs de Julia demeurent modestes : terminer la course, peut-être se classer dans les 30 premières, idéalement intégrer le top 8 si tout se déroule parfaitement. Une médaille n’effleure même pas ses pensées avant le départ.

Une course tactique parfaite

Au passage de la mi-course, elle remonte régulièrement dans le classement, grappillant méthodiquement des places malgré la chaleur accablante. “Habituellement, des gens vous crient votre position, mais tout était en japonais, donc je n’avais aucune idée de mon classement”, raconte-t-elle.

Quand elle pénètre dans le stade pour les derniers hectomètres, aucune autre coureuse n’est visible. Elle suppose occuper approximativement la cinquième ou sixième place, loin d’imaginer la réalité de sa performance.

La révélation au finish

Ce n’est qu’après avoir franchi la ligne d’arrivée, jambes flageolantes et poumons en feu, qu’elle apprend la vérité : médaille de bronze. “J’étais tellement choquée. D’où cette vidéo où je parais très confuse”, plaisante-t-elle rétrospectivement.

Un exploit historique pour l’Uruguay

Pour l’Uruguay, pays de seulement trois millions d’habitants fièrement attaché à son héritage sportif mais rarement représenté sur la scène athlétique mondiale, ce moment revêt une portée considérable. Les messages de soutien affluent massivement depuis le pays.

“L’Uruguay est petit, mais c’est un pays au grand cœur”, souligne Julia. “Si ma médaille de bronze démontre quelque chose, c’est que n’importe qui peut fournir le travail nécessaire.” Cette philosophie de l’effort récompensé résonne particulièrement dans un pays où le sport constitue un véritable ciment social.

Un modèle d’inspiration continental

Cette médaille historique place l’Uruguay sur la carte mondiale de l’athlétisme féminin et inspire toute une génération de jeunes coureurs sud-américains. Elle prouve qu’avec de la détermination et un entraînement adapté, même les nations les moins attendues peuvent briller sur la scène mondiale.

Perspectives d’avenir et objectifs

L’avenir reste volontairement flou pour Julia Paternain. Avec une honnêteté rafraîchissante, elle avoue son absence de plan à long terme. “Si vous m’aviez demandé il y a un an si j’envisageais de courir un marathon, j’aurais dit non. Actuellement, j’avance mois par mois.”

Le rêve olympique de Los Angeles 2028

Naturellement, le rêve olympique demeure présent. Les Jeux de Los Angeles 2028 représentent l’objectif ultime, d’autant plus symbolique qu’ils se dérouleront sur le sol américain où elle a été formée. Cette échéance lui laisse le temps de peaufiner sa préparation et de confirmer son niveau mondial.

Une approche pragmatique de la performance

Pour l’instant, l’histoire demeure plus simple : celle d’une coureuse qui ignorait avoir terminé, qui ne savait pas être troisième, mais qui s’est retrouvée sur un podium en écrivant l’histoire de l’Uruguay. Cette spontanéité et cette authenticité constituent peut-être les clés de son succès inattendu.

L’héritage d’une médaille inattendue

La médaille de bronze de Julia Paternain transcende largement le simple résultat sportif. Elle symbolise la persévérance, la réinvention et la capacité à saisir sa chance quand elle se présente. Son parcours démontre qu’il n’existe pas de chemin unique vers l’excellence sportive.

Cette performance historique ouvre également de nouvelles perspectives pour l’athlétisme uruguayen et pourrait inspirer d’autres talents issus de petites nations à croire en leurs possibilités sur la scène mondiale. Dans un sport souvent dominé par les grandes puissances traditionnelles, Julia Paternain prouve que l’exploit peut surgir de là où on l’attend le moins.

Son histoire continuera de s’écrire, mais elle a déjà gravé son nom dans l’histoire de l’athlétisme mondial et dans le cœur de tout un pays.

Nicolas Dayez, Fondateur de Athlé expliqué

Qui est Nicolas ?

Je suis un passionné de course à pied avec plus de 15 ans d'expérience. Ayant débuté comme coureur amateur, j'ai progressivement affiné mes compétences en m'informant sur les meilleures pratiques d'entraînement, que je partage désormais avec mes lecteurs.

Mon objectif est de rendre la course accessible à tous, en proposant des conseils pratiques, des analyses techniques, et des méthodes adaptées à tous les niveaux.

Actuellement en cours de formation pour le CQP Animateur d’athlétisme option « athlé forme santé », préparateur mental et nutritionniste sportif diplômé, j'approfondis mes compétences en entraînement et pédagogie afin de partager des méthodes et des approches efficaces et adaptées aux besoins des coureurs de tous niveaux.

Quelques faits d’armes :
- 100 km de Steenwerck : 7h44
- 80 km Ecotrail Paris (1300m D+) : 7h12
- 42 km Nord Trail Mont de Flandres (1070m D+) : 3h11
- Marathon de Nice-Cannes : 2h40
- Championnats de France de Semi-Marathon : 1h13
- 10 km de Lambersart : 34'16

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