
Joyline Chepngeno, étoile montante du trail kenyan, vient de vivre un revers brutal : à peine sacrée à l’OCC du UTMB Mont-Blanc, la jeune athlète est suspendue pour deux ans pour dopage. Son histoire est un révélateur puissant des réalités, des pressions et des défis du sport de haut niveau en Afrique de l’Est.
Résumé des faits : suspension après deux victoires
Le 1er septembre 2025, la Athletics Integrity Unit (AIU) annonce la présence de triamcinolone acétonide (un corticostéroïde interdit en compétition sans dérogation) dans l’échantillon prélevé sur Chepngeno à Sierre-Zinal le 9 août. Sa victoire à Sierre-Zinal et celle à l’OCC du Mont-Blanc trois semaines plus tard sont donc annulées. La sanction tombe le 8 septembre, et la réalité de la suspension devient officielle.
Comment en est-elle arrivée là ?
Dans une lettre touchante, signée le 12 septembre à Nakuru, Kenya, Joyline Chepngeno donne sa version des faits. Son genou, fragilisé par une blessure chronique, s’est réveillé à l’approche de la course suisse. Pas d’accès à une médecine sportive moderne, des ressources limitées : elle se tourne vers une pharmacie locale. L
e praticien lui propose une injection censée soulager, assurant que « ce n’est pas du dopage » et que cela lui permettra de participer à la course. Chepngeno accepte, désespérée, confiante dans l’avis reçu.
Elle avoue n’avoir rien dit à son entraîneur, Julien Lyon, pensant qu’il l’aurait empêchée de concourir en état de douleur. Pour elle, il s’agissait d’un choix vital : « Je devais courir, c’est mon seul moyen de nourrir mes deux enfants et ma mère veuve » – une réalité sociale souvent occultée dans l’univers du sport professionnel.
Pressions économiques et sociales : le poids d’un choix
Le dopage n’est jamais excusable, mais le témoignage de Chepngeno interroge : jusqu’où un athlète peut-il être amené, par nécessité économique et absence de soutien médical, à prendre de tels risques ? Dans de nombreux pays africains, l’accès aux soins spécialisés est limité, et les perspectives de carrière sportive sont souvent la seule voie d’ascension sociale. La précarité pousse à la prise de risque.
L’impact du geste de Chepngeno est d’autant plus fort qu’elle était devenue la première Kenyane victorieuse sur une épreuve UTMB – un exploit historique appelé à inspirer toute une génération.
Les conséquences sportives et personnelles
La sanction est exemplaire :
- Deux ans de suspension : impossible de concourir jusqu’en 2027, y compris à Sierre-Zinal
- Résultats annulés : ses titres récents, arrachés au sommet du trail mondial, sont rayés
- Rupture de contrat : le sponsor, la marque Salomon, la lâche immédiatement
- Sanctions collectives : son coach Julien Lyon et son équipe Milimani Runners sont suspendus des éditions futures chez Sierre-Zinal
Ce cas relance le débat sur le dopage au Kenya, déjà classé par la WADA en catégorie « risque maximum » depuis 2022, après une série de violations, surtout sur route. Chepngeno est la deuxième à Sierre-Zinal prise pour ce même produit en trois ans, après Esther Chesang en 2022.
Dopage : un problème systémique ou individuel ?
L’affaire Chepngeno illustre à la fois les failles individuelles (manque de formation, absence d’encadrement médical rigoureux, pression financière) et un problème plus vaste au sein du sport kényan. Le pays, archi-dominant en fond et demi-fond, est sous surveillance stricte depuis des années. Mais le trail était resté relativement épargné. Désormais, il subit les mêmes remous que la route et la piste, mettant en péril l’image « propre » du circuit.
Pour le trail running, l’affaire marque un tournant : l’effritement du mythe d’un sport sans triche, où la montagne serait un « sanctuaire » préservé du dopage. La montée en puissance des athlètes kenyans et les enjeux économiques du circuit mondial rendent le phénomène inévitablement plus visible.
Réactions et leçons à retenir
Joyline Chepngeno accepte sa responsabilité sans détour : « J’aurais dû être mieux informée sur les substances. Les règles sont les mêmes pour tous… J’ai appris une douloureuse leçon, et je m’engage à courir proprement à l’avenir. Ce n’était jamais mon intention de tricher. »
Elle adresse des excuses directes à tous les acteurs du trail, du staff aux collègues en passant par la communauté de fans.
Cette affaire appelle à plusieurs réflexions importantes :
- La formation antidopage doit être renforcée, notamment auprès des athlètes issus de pays moins favorisés sur le plan médical
- Les équipes et entraîneurs doivent assumer leur rôle d’accompagnement, d’écoute et de vigilance
- Les sponsors et organisateurs ont une responsabilité sociale envers les athlètes, pour éviter d’entretenir des situations d’extrême précarité ou de surpression
- Le développement du trail en Afrique, et notamment au Kenya, doit s’accompagner de programmes d’éducation, de soutien médical et de contrôle renforcé
Perspective internationale : une image à reconstruire
L’irruption de telles affaires dans le trail et l’ultra met les grandes compétitions et leurs organisateurs au défi de défendre une image « clean » tout en accompagnant la mondialisation du sport. Pour Chepngeno, l’avenir est incertain. Son souhait, formulé publiquement, est de pouvoir obtenir « une seconde chance après cette période ».
Les acteurs du trail sont face à un choix : conforter l’exclusion des auteurs de dopage, ou travailler au retour et à la réintégration, sur la base du respect et de la reconstruction. Les enjeux éthiques deviennent centraux.
Conclusion
L’histoire de Joyline Chepngeno est celle d’une ascension fulgurante stoppée net par un mauvais choix, mais aussi celle d’une réalité sociale que le monde du sport ne doit pas minimiser. La lutte contre le dopage, pour être efficace, doit aller au-delà de la seule répression : elle appelle à l’éducation, la prévention et la solidarité internationale.
Trail, dopage, santé, précarité : cette affaire est un rappel précieux. Le sport de haut niveau est plus qu’un podium, c’est un miroir des réalités sociales et humaines. À chacun d’agir pour que, demain, chaque victoire soit propre et que chaque athlète ait les moyens de réussir sans se mettre en danger.
Qui est Nicolas ?
Je suis un passionné de course à pied avec plus de 15 ans d'expérience. Ayant débuté comme coureur amateur, j'ai progressivement affiné mes compétences en m'informant sur les meilleures pratiques d'entraînement, que je partage désormais avec mes lecteurs.
Mon objectif est de rendre la course accessible à tous, en proposant des conseils pratiques, des analyses techniques, et des méthodes adaptées à tous les niveaux.
Actuellement en cours de formation pour le CQP Animateur d’athlétisme option « athlé forme santé », préparateur mental et nutritionniste sportif diplômé, j'approfondis mes compétences en entraînement et pédagogie afin de partager des méthodes et des approches efficaces et adaptées aux besoins des coureurs de tous niveaux.
Quelques faits d’armes :
- 100 km de Steenwerck : 7h44
- 80 km Ecotrail Paris (1300m D+) : 7h12
- 42 km Nord Trail Mont de Flandres (1070m D+) : 3h11
- Marathon de Nice-Cannes : 2h40
- Championnats de France de Semi-Marathon : 1h13
- 10 km de Lambersart : 34'16