
Une étude récente apporte des éléments inédits sur l’entraînement marathon, l’art du pacing et la résistance le jour de la course. Les nouveaux résultats pourraient bouleverser les axes à privilégier pour les marathoniens et leurs coachs.
La durabilité : quatrième pilier du marathon moderne
Depuis toujours, les piliers fondamentaux de la performance en marathon sont le VO2 max, le seuil lactique, et l’efficacité de course. Toutefois, un facteur souvent négligé prend de l’ampleur : la durabilité. Ce concept désigne la capacité à maintenir ses qualités physiologiques après plusieurs heures d’effort constant. En clair, l’important n’est pas uniquement d’être fort ou efficace, mais de préserver ces qualités face à la fatigue accumulée sur la distance.
Résultats d’une étude sur les finishers du Marathon de Londres
Dix-huit marathoniens (âge moyen 41 ans, temps moyen 3h17) ont participé à une étude avant et après le Marathon de Londres 2024.
Les chercheurs ont mesuré « à froid » les trois piliers classiques : VO2 max, seuil lactique (sLT) et économie de course grâce à des tests sur tapis roulant et des analyses sanguines. Puis ils ont soumis chaque coureur à une épreuve de 90 minutes à l’allure du seuil, suivie d’un nouveau test identique, mais cette fois avec des réserves amoindries (fatigue, légère déshydratation, faible glycogène musculaire).
Les premiers signes de la fatigue longue durée
Le protocole reproduisait le stress du marathon : hydratation laissée à volonté (~0,5 L consommé), perte moyenne de 2,1 % du poids corporel, pas d’apport en glucides pendant l’effort. Résultat : au fil de la sortie prolongée, les indicateurs classiques se sont dégradés. Le VO2 max a baissé de 6 %, passant de 56,7 à 53,4 ml/kg/min. La vitesse au seuil lactique (sLT) a reculé de 0,7 km/h (12,8 à 12,1 km/h), soit environ 3 à 4 secondes perdues par kilomètre. Pourtant, l’économie de course est restée stable, montrant que le coût d’oxygène pour maintenir l’allure n’a pas fluctué significativement.
Le métabolisme passé à la loupe
Analyse poussée : après 90 minutes, l’oxydation des glucides à allure seuil passe de 2,9 à 1,9 g/min, tandis que l’oxydation des graisses double à 0,52 g/min. Le corps, en déficit de glycogène, commence à basculer vers le métabolisme lipidique, moins efficace pour soutenir l’allure cible du marathon. Les coureurs respirent plus rapidement mais avec moins d’amplitude, illustrant la lutte physiologique contre la fatigue.

Découplage cardiaque et vitesse : ce qui se passe en course
Le jour du marathon, chaque athlète a couru avec cardio et GPS, segments analysés tous les 5 km. Les chercheurs ont relevé le phénomène de découplage cardio-vitesse : après 27 km environ, la fréquence cardiaque monte alors que la vitesse tend à diminuer, signe que l’effort requis augmente fortement à intensité égale. Entre le 35e et le 40e km, ce découplage atteint son pic : le “mur du marathon” n’est pas qu’une impression.

Ce qui prédit vraiment la performance marathon
Classiquement, en état de fraîcheur, les meilleurs marathoniens se démarquent par un VO2 max élevé, une meilleure économie de course, et une vitesse au seuil supérieure. Mais l’étude révèle une découverte cruciale : le pourcentage de perte de vitesse au seuil après 90 minutes (durabilité) s’avère fortement corrélé à la réussite sur la course. Autrement dit, les coureurs dont la vitesse au seuil résiste le mieux à la fatigue réalisent les meilleurs temps. Contrairement à ce qui était admis, la baisse du VO2 max et la modification de l’économie de course post-effort ne sont pas directement liées au classement final lors du marathon.

Le découplage cardiaque, bien que réel, n’est pas en lui-même un indicateur absolu de la performance, mais doit être associé au contexte physiologique du coureur.
Pourquoi ces baisses physiologiques ?
Deux éléments majeurs sont à surveiller : la déplétion des réserves de glycogène (absence de ravitaillement glucidique pendant l’effort), et la légère déshydratation (perte de 2 % du poids). Ensemble, elles entraînent une transition vers un métabolisme lipidique et une contrainte cardiovasculaire qui pèsent sur la capacité à maintenir l’allure cible. La clé de la durabilité ? Mieux gérer les apports nutritionnels et hydriques, notamment sur les longues sorties à l’objectif marathon.

Quels enseignements pour les coureurs ?
La durabilité se travaille. Plus ton seuil lactique résiste à la fatigue, meilleures sont tes chances de performer sur marathon. Pour y parvenir, il faut intégrer régulièrement dans ta préparation :
- Des long runs comportant 30 à 60 minutes à l’objectif marathon à l’intérieur de séances de 90 à 120 minutes
- Des séances d’intervalle à allure seuil programmées en fin de grandes sorties
- Un entraînement à courir vite en état de fatigue
Ensuite, il est indispensable de tester son plan d’hydratation et d’alimentation lors de ces efforts, pour ne pas biaiser la durabilité avec une déplétion non maîtrisée. En course, prévois un apport précoce et régulier de glucides (30 à 60 g/h, jusqu’à 90 g/h pour ceux qui ont entraîné leur système digestif) et veille à limiter la perte hydrique à moins de 2 % du poids corporel.
Suivre sa propre durabilité : conseils pratiques
Pour évaluer ta progression, compare la tenue de ton allure seuil ou ton cardio dans le dernier tiers des séances longues. Analyse également le découplage cœur/vitesse comme indicateur secondaire. Les fondamentaux restent valides : travailler le VO2 max et l’économie de course reste toujours pertinent pour progresser.
Pour les marathoniens, la durabilité pourrait bien devenir le facteur qui sépare ceux qui maintiennent l’allure de ceux qui tapent le mur. Travailler ce pilier en ajustant l’entraînement et la nutrition te permettra d’exploiter pleinement ton potentiel sur 42,195 km.
En résumé
La nouvelle étude place la durabilité au centre de la préparation marathon moderne : la capacité à conserver ses qualités physiologiques sous l’effet de la fatigue est désormais aussi essentielle que la puissance pure ou l’efficacité. Construire la résilience du seuil lactique, adopter une nutrition et une hydratation adaptée en entraînement et en course, ainsi que surveiller son découplage cardio/vitesse, sont les axes à renforcer pour performer lors des prochains marathons.
Qui est Nicolas ?
Je suis un passionné de course à pied avec plus de 15 ans d'expérience. Ayant débuté comme coureur amateur, j'ai progressivement affiné mes compétences en m'informant sur les meilleures pratiques d'entraînement, que je partage désormais avec mes lecteurs.
Mon objectif est de rendre la course accessible à tous, en proposant des conseils pratiques, des analyses techniques, et des méthodes adaptées à tous les niveaux.
Actuellement en cours de formation pour le CQP Animateur d’athlétisme option « athlé forme santé », préparateur mental et nutritionniste sportif diplômé, j'approfondis mes compétences en entraînement et pédagogie afin de partager des méthodes et des approches efficaces et adaptées aux besoins des coureurs de tous niveaux.
Quelques faits d’armes :
- 100 km de Steenwerck : 7h44
- 80 km Ecotrail Paris (1300m D+) : 7h12
- 42 km Nord Trail Mont de Flandres (1070m D+) : 3h11
- Marathon de Nice-Cannes : 2h40
- Championnats de France de Semi-Marathon : 1h13
- 10 km de Lambersart : 34'16

