Pourquoi les marathoniens mangent deux fois moins de glucides que prévu ?
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La nutrition en marathon est un élément majeur de la performance, pourtant une nouvelle étude révèle un constat alarmant : la majorité des marathoniens sous-estiment drastiquement leur déficit énergétique le jour de la course. Contrairement à ce qu’ils pensent, ils consomment deux fois moins de glucides que prévu et surestiment systématiquement leur apport réel en carburant.

Cette recherche menée par l’Université de Dublin et l’Université John Moores de Liverpool est la première à peser précisément chaque gel, boisson et barre énergétique avant et après une course officielle. Les résultats bouleversent les certitudes sur la stratégie nutritionnelle des coureurs d’endurance.

Une étude scientifique révolutionnaire sur le terrain

Les chercheurs ont suivi 60 athlètes d’endurance entraînés : 38 marathoniens (âge moyen 45 ans) et 22 cyclistes (âge moyen 37 ans) participant au Marathon de Mersin en Turquie et à un Gran Fondo de 101 kilomètres.

Chaque participant a fourni trois types de données essentielles :

  • Un plan nutritionnel prévisionnel détaillant ce qu’ils prévoyaient de consommer pendant la course
  • Un rapport post-course indiquant ce qu’ils pensaient avoir réellement ingéré
  • L’apport réel mesuré grâce à une balance de laboratoire pesant chaque produit avant et après la course

Cette méthode de pesée précise représente une innovation majeure. Au lieu de se fier aux souvenirs approximatifs des coureurs, l’équipe a littéralement pesé les produits non consommés rapportés aux postes de ravitaillement et à l’arrivée.

Les athlètes ont également complété des questionnaires sur la qualité de leur sommeil, leur niveau d’anxiété avant la course et leurs symptômes gastro-intestinaux. Cette approche globale permet de comprendre non seulement combien de glucides sont consommés, mais surtout pourquoi certains athlètes réussissent mieux que d’autres.

Des chiffres qui interpellent : un déficit massif chez les marathoniens

Les résultats sont sans appel. L’ensemble des athlètes a consommé en moyenne 32 grammes de glucides par heure, bien en-deçà de la recommandation minimale de 60 à 90 grammes par heure pour les efforts d’endurance.

La différence entre cyclistes et marathoniens est encore plus révélatrice :

  • Les cyclistes ont consommé 50 grammes par heure, se rapprochant de leur objectif de 59 grammes par heure
  • Les marathoniens n’ont avalé que 22 grammes par heure, même pas leur objectif déjà insuffisant de 26 grammes par heure

Mais le constat le plus accablant ne concerne pas seulement la quantité insuffisante : les marathoniens ont systématiquement surestimé leur consommation réelle. Ils croyaient avoir bien mangé alors qu’ils étaient largement en déficit calorique. Les cyclistes, eux, avaient une perception fidèle de leur apport.

Les gels énergétiques : pratiques en théorie, problématiques en pratique

Presque tous les athlètes ont utilisé des gels de glucides (97% des marathoniens, 91% des cyclistes). Cependant, les cyclistes ont diversifié avec des boissons énergétiques, barres, gels caféinés et même bananes. Les marathoniens se sont majoritairement limités aux gels seuls.

Cette différence s’explique par la difficulté de consommer en courant. Les gels présentent le taux de restes le plus élevé après la course. Ils sont souvent partiellement consommés ou oubliés pendant le chaos des ravitaillements. À l’inverse, les boissons énergétiques et gommes sont presque toujours entièrement finies.

Les cyclistes bénéficient d’un avantage logistique avec leurs bidons sur le vélo, permettant une consommation continue. Ils ont également mieux préparé leur charge glucidique pré-course avec un apport de 4,95 g/kg/jour contre seulement 3,40 g/kg/jour pour les marathoniens dans les 24 heures précédant l’épreuve.

Le rôle insoupçonné du sommeil et de l’anxiété

La découverte la plus innovante de cette étude concerne les facteurs psychologiques et comportementaux. Trois éléments prédisent un meilleur apport en glucides pendant la course :

  • Le type de discipline (cyclisme supérieur à la course à pied)
  • La qualité du sommeil
  • Un faible niveau d’anxiété cognitive

Ensemble, ces facteurs expliquent 41% de la variance dans la consommation de glucides. Les athlètes qui ont bien dormi et qui étaient moins anxieux ont consommé significativement plus de carburant. Ceux souffrant de troubles du sommeil ou d’une anxiété élevée ont mangé moins, même s’ils avaient planifié davantage.

Pensez-y : votre nuit pré-marathon, que vous passiez à scroller sur votre téléphone, à vous retourner dans votre lit ou à vous réveiller stressé, peut directement déterminer votre capacité à vous alimenter le lendemain.

Les mécanismes sont logiques. Le sommeil influence la régulation de l’appétit, la prise de décision et le confort gastrique. L’anxiété supprime la faim, ralentit la vidange gastrique et rend les gels difficiles à avaler. Les marathoniens rapportent généralement plus d’anxiété de performance que les cyclistes, ce qui contribue à ce schéma.

Fait intéressant : les symptômes gastro-intestinaux n’expliquent pas le déficit nutritionnel. Seulement 10% des coureurs et 5% des cyclistes ont signalé des problèmes digestifs sérieux après la course. Ce ne sont donc pas les “estomacs sensibles” qui posent problème, mais plutôt des facteurs comportementaux : gestion du rythme, manipulation des produits, anxiété et sommeil.

Stratégies concrètes pour optimiser votre nutrition marathon

La plupart des marathoniens ne sous-alimentent pas par ignorance. Ils échouent parce que l’exécution le jour J est complexe. Vous oubliez. Vous vous sentez ballonné. Vous pensez qu’un gel pris il y a 30 minutes suffit. Et vous surestimez probablement votre consommation réelle.

Cette étude quantifie cette zone d’ombre avec des données tangibles. Même les coureurs expérimentés n’ont consommé que 22 grammes par heure, moins de la moitié de la recommandation pour une course de 3 à 4 heures.

Première solution : développez une conscience précise de votre apport. Commencez à traquer ce que vous consommez réellement lors de vos sorties longues clés, pas seulement ce que vous prévoyez. Pesez ou comptez vos gels, bidons et gommes avant et après une sortie longue à allure marathon. Vous pourriez être surpris par le nombre de gels partiels ou d’intervalles manqués qui s’accumulent.

Cette pratique vous permet aussi de répéter votre ravitaillement en conditions réelles. Beaucoup de marathoniens sous-alimentent simplement parce qu’il est difficile d’ouvrir, avaler et digérer des gels tard dans la course. Rendez ce processus le plus automatique possible.

Deuxième stratégie : intégrez le sommeil et l’anxiété dans votre plan nutritionnel. Une mauvaise nuit peut émousser l’appétit et altérer la concentration, deux facteurs affectant votre capacité à manger. Privilégiez une hygiène de sommeil rigoureuse les 3-4 nuits avant votre course : évitez la caféine tardive, réduisez les écrans, maintenez des horaires de coucher réguliers.

Bien qu’on ne puisse (et ne doive) pas éliminer complètement le stress pré-course, trouver des moyens de le réguler est essentiel. Des techniques de respiration, de visualisation positive ou de routine pré-compétition peuvent faire la différence.

Troisième conseil : diversifiez votre stratégie nutritionnelle si possible. Les gels sont pratiques mais présentent un taux d’abandon élevé. Intégrez des boissons énergétiques ou des gommes à mâcher pour améliorer la régularité de votre apport.

Enfin, remettez en question le récit selon lequel vous vous êtes bien alimenté. Comme cette étude le démontre clairement, la perception ne prédit pas la réalité, et même de petits déficits peuvent s’accumuler silencieusement pour saboter votre plan de course le mieux pensé.

La solution la plus simple pour améliorer vos performances pourrait être aussi peu glamour que de vous coucher plus tôt ou de compter scrupuleusement vos gels pendant l’effort.

Nicolas Dayez, Fondateur de Athlé expliqué

Qui est Nicolas ?

Je suis un passionné de course à pied avec plus de 15 ans d'expérience. Ayant débuté comme coureur amateur, j'ai progressivement affiné mes compétences en m'informant sur les meilleures pratiques d'entraînement, que je partage désormais avec mes lecteurs.

Mon objectif est de rendre la course accessible à tous, en proposant des conseils pratiques, des analyses techniques, et des méthodes adaptées à tous les niveaux.

Actuellement en cours de formation pour le CQP Animateur d’athlétisme option « athlé forme santé », préparateur mental et nutritionniste sportif diplômé, j'approfondis mes compétences en entraînement et pédagogie afin de partager des méthodes et des approches efficaces et adaptées aux besoins des coureurs de tous niveaux.

Quelques faits d’armes :
- 100 km de Steenwerck : 7h44
- 80 km Ecotrail Paris (1300m D+) : 7h12
- 42 km Nord Trail Mont de Flandres (1070m D+) : 3h11
- Marathon de Nice-Cannes : 2h40
- Championnats de France de Semi-Marathon : 1h13
- 10 km de Lambersart : 34'16

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