
La course à pied a profondément changé. Il y a dix ou quinze ans, les coureurs du dimanche représentaient l’essence même du running : des gens ordinaires qui enfilaient leurs chaussures de trail ou leurs baskets de jogging le week-end, sans pression, juste pour le plaisir de courir.
Aujourd’hui, cette catégorie semble s’effriter. Où sont passés ces coureurs paisibles ? Ont-ils disparu ou se sont-ils transformés ?
L’accélération du running : quand la performance devient obsessionnelle
Le running moderne s’est construit sur une promesse simple : aller plus vite, plus loin, plus fort. Les applications de course trackent chaque foulée, chaque battement de cœur. Les montres connectées enregistrent tes statistiques. Les réseaux sociaux te poussent à partager tes records personnels. La culture de la performance s’est infiltrée partout.
Cela crée une pression invisible mais réelle. Même quand tu cours pour te détendre, tu ne peux pas t’empêcher de checker ta vitesse moyenne, tes temps au kilomètre, tes progrès comparés à la semaine précédente. Le plaisir de la course devient secondaire. La performance devient l’objectif principal.
Les coureurs du dimanche d’autrefois ne voyaient pas les choses comme ça. Ils couraient à leur rythme, sans comparaison, sans obsession. Ils profitaient simplement de l’effort, de l’air frais, de la sensation de liberté. C’était un loisir, pas un sport de compétition interne.
La tyrannie du chrono : quand chaque sortie devient un défi
Aujourd’hui, impossible de courir sans que le chrono ne te regarde. Tu as manqué ton tempo habituel ? Frustration. Ta vitesse moyenne est en baisse ? Inquiétude. Tes temps de récupération s’allongent ? C’est perçu comme un problème à résoudre.
Cette obsession du chrono crée un système psychologique perverse. Le running cesse d’être un refuge pour devenir une source d’anxiété. Tu dois toujours faire mieux, aller plus vite, tenir une allure. Le repos devient culpabilisant. Une sortie facile est perçue comme « gaspillée ».
Les coureurs du dimanche n’avaient pas ce problème. Leur montre était simple, très basique, ou ils n’en avaient tout simplement pas. Ils couraient, c’était tout. Pas de données, pas de comparaison, pas de pression auto-imposée.
La gamification du fitness : un leurre motivant devenu épuisant
Les applications de running et les plateformes de fitness ont brillamment gamifié l’expérience. Des badges, des défis, des classements. C’est motivant au départ. Mais très rapidement, cela devient une drogue. Tu dois garder ta série de jours consécutifs, atteindre tes objectifs kilométriques hebdomadaires, ne pas descendre sous une certaine distance.
Cette gamification crée une illusion de progression constante. Mais elle crée aussi de la dépendance et du stress. Les coureurs du dimanche échappaient à cela : ils couraient quand ils en avaient envie, pas parce qu’un algorithme les y poussait.
L’inégalité des conditions et la culture du « pas assez »
Aujourd’hui, grâce aux réseaux sociaux, tu vois constamment des coureurs qui font des ultra-marathons, des courses trail extrêmes, des entraînements structurés dignes de professionnels. Tu vois des temps de course impressionnants, des perfs incroyables.
Cela crée un sentiment d’insuffisance. Le jogging du dimanche semble « trop basique », « pas sérieux assez ». Tu ne peux plus juste courir pour courir : tu dois viser quelque chose de plus grand, de plus spectaculaire, de plus « shareable ».
Les coureurs du dimanche n’avaient pas ce problème. Ils ne connaissaient pas les exploits des autres. Ils couraient leur course, point. Il n’y avait pas cette culture du « pas assez ».
L’émergence du running de compétition pour tous
Parallèlement, le running de compétition s’est démocratisé. Il n’y a plus que les « sérieux » qui font des courses officielles. Maintenant, même les amateurs sont « en compétition ». Les semi-marathons, les marathons, les 10 km populaires sont devenus des événements de masse.
C’est un progrès dans un sens. Mais cela a aussi changé la mentalité. Courir n’est plus une activité loisir passive : c’est une discipline compétitive. Même les coureurs du dimanche qui ne courent pas de course officielle se sentent obligés de « performer ».
Pourquoi les coureurs du dimanche disparaissent vraiment
Si les coureurs du dimanche disparaissent, ce n’est pas parce que la course à pied s’est améliorée techniquement. C’est parce que l’atmosphère autour du running a changé radicalement.
Le plaisir simple d’une sortie facile n’est plus valorisé. La récupération active est perçue comme une perte de temps. Courir sans objectif quantifiable semble futile.
Les coureurs du dimanche représentaient une approche plus libre et jouissive de la course à pied. Ils couraient pour vivre, pas pour établir des records. Malheureusement, cette philosophie s’est progressivement écrasée sous le poids de la culture de la performance.
Retrouver l’essence du running
Le vrai paradoxe ? Les coureurs passionnés et les coachs expérimentés savent que la course facile et le repos actif sont essentiels pour progresser réellement. Mais ce message ne passe pas. L’industrie du running profite bien trop de l’obsession de la performance.
Les coureurs du dimanche ne sont pas morts. Mais ils se cachent. Ils courent en silence, sans tracker, sans partager. Ou ils ont complètement arrêté, découragés par l’intensité imposée par la culture moderne du running.
Si tu es fatigué de cette pression, rappelle-toi que la course à pied n’a pas besoin d’être une compétition permanente. Courir pour courir, sans objectif de temps, sans obsession de progression, c’est encore possible. C’est même devenu un acte de rébellion dans le running moderne.
Les coureurs du dimanche reviendront quand nous retrouverons le courage de courir simplement, pour le plaisir. Pas plus vite. Pas plus loin. Juste mieux, pour nous-mêmes.
Qui est Nicolas ?
Je suis un passionné de course à pied avec plus de 15 ans d'expérience. Ayant débuté comme coureur amateur, j'ai progressivement affiné mes compétences en m'informant sur les meilleures pratiques d'entraînement, que je partage désormais avec mes lecteurs.
Mon objectif est de rendre la course accessible à tous, en proposant des conseils pratiques, des analyses techniques, et des méthodes adaptées à tous les niveaux.
Actuellement en cours de formation pour le CQP Animateur d’athlétisme option « athlé forme santé », préparateur mental et nutritionniste sportif diplômé, j'approfondis mes compétences en entraînement et pédagogie afin de partager des méthodes et des approches efficaces et adaptées aux besoins des coureurs de tous niveaux.
Quelques faits d’armes :
- 100 km de Steenwerck : 7h44
- 80 km Ecotrail Paris (1300m D+) : 7h12
- 42 km Nord Trail Mont de Flandres (1070m D+) : 3h11
- Marathon de Nice-Cannes : 2h40
- Championnats de France de Semi-Marathon : 1h13
- 10 km de Lambersart : 34'16

